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Demain, Angoulême commémore les 75 ans de sa libération.

Une date qui passionne aussi les jeunes, que la grande Histoire fait vibrer pour peu qu’on sache la leur raconter

De son classeur d’écolier dédié à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et à celle de son arrière-grand-père, figure du maquis de Bignac, William Drapier exhume un document. « Celui qui date son entrée dans la Résistance. C’est son engagement, ce qui fait ma fierté, on n’en voit pas tous les jours », apprécie d’un ton très solennel le garçon de 15 ans, de Saint-Amant-de-Boixe, qui, ça n’étonnera personne, se rêve prof d’histoire-géographie.

Alors qu’Angoulême commémore demain les soixante-quinze ans de la Libération, Charente Libre met en lumière des jeunes que la grande Histoire fait vibrer.

Chez William, la passion est née quand il a découvert le passé de maquisard de son arrière-grand- père paternel, Gustave. «J’ai su qu’il avait été dans la Résistance quand il est décédé, en 2012, parce qu’il y avait le drapeau français sur sa tombe. Il n’en parlait pas de lui- même, seulement quand on posait des questions. J’ai lu beaucoup de témoignages. C’est fou les dangers qu’ils ont connus. Il y avait une part d’inconscience. De nos jours, si l’on devait faire ça, ce serait plus dur parce que l’on sait ce que sont les horreurs de la guerre.»

Depuis 2015; William est porte- drapeau de l’association du Maquis de Bignac, l’un des plus jeunes de Charente, en mémoire à ses aïeux. «Mon arrière-grand-mère aussi était dans la Résistance. Elle préparait les chevaux, enterrait les parachutes. Parce qu’elle ne touchait pas les armes, elle na pas eu la Croix du combattant comme mon arrière- grand-père. Ce n’est pas juste, s’insurge l’adolescent, qui décrypte son intérêt pour l’Histoire. J’aime savoir comment c’était à l’époque, comment les résistants s’organisaient, comment les soldats faisaient pour creuser les tranchées, pour que ça tienne, comment ils vivaient la guerre de l’intérieur.»

 

Les élèves de la MFR de La Péruse veulent visiter Auschwitz

Le concret, c’est comme cela que Dominique Antoine, directeur et prof d’histoire-géo à la Maison familiale rurale (MFR) de La Péruse, a réussi à captiver ses élèves en filière agricole. À tel point que lorsqu’il leur a laissé le choix de partir en voyage scolaire en Espagne, en Angleterre ou en Pologne, ils ont choisi la Pologne pour pouvoir visiter Auschwitz.

La structure travaille avec Michèle Soult, présidente de la délégation charentaise des Amis de la fondation pour la mémoire de la déportation. Elle coopère avec plusieurs établissements à travers des ateliers de recherche en histoire. «Les élèves ont étudié le parcours d’un déporté charentais. On leur remet un dossier, avec des documents parfois écrits en allemand. Ils récupèrent le numéro de convoi, de matricule. Parfois, il y a une photo, ce qui leur permet de voir que c’était des jeunes.»

Des recherches qui donnent lieu à des notices biographiques validées par un conseil scientifique et qui ont valu aux élèves le prix départemental du civisme pour la jeunesse. «Ce qui les intéresse, ce sont les questions techniques que l’Histoire oublie : comment étaient habillés les déportés, s’ils marchaient pieds nus, comment les soldats trouvaient les munitions pour charger les armes prises aux Allemands, comment tuer quelqu’un avec un couteau», détaille Dominique Antoine.

OU REA ce sont les questions

Ce qui les intéresse,  ce sont les questions techniques que l’histoire oublie 

Emellyne Wentzinger, 15 ans, a été marquée par le parcours de Germaine Chollet. «Elle est née à La Péruse, était maîtresse dans une école de filles. Elle avait mal parlé des Allemands. Un élève l’a raconté à sa mère qui était collabo. Elle a été déportée puis blessée. Personne ne l’a emmenée à l’hôpi- tal alors elle est morte.»

Saadia Aberbour avait 16 ans lorsqu’elle a remporté le premier prix, sur une centaine de finalistes, du Concours national de la Résistance. La jeune fille du quartier de Basseau à Angoulême dévorait l’Histoire. «Pour préparer le concours, on avait des cours le vendredi après-midi. Je continuais le soir en rentrant et je ne m’arrêtais pas du week-end. C’est important de connaître ce qui a été fait pour faire mieux à l’avenir». Aujourd’hui, même si elle a choisi une autre voie d’études, Saadia se nourrit du passé dès qu’elle le peut, lit surtout des supports numériques et se souvient avec émotion de la fête organisée en son honneur à Basseau. «Ça m’avait fait énormément plaisir. J’espérais surtout que d’autres jeunes aient le même parcours et rendent fier le quartier. L’Histoire, et l’école en général, c’est ce qui permet de s’ouvrir.»

 

Il n’y a pas d’âge pour travailler le devoir de mémoire. Louise Thermidor, qui rentre en sixième à La Rochefoucauld, lit les textes et des poèmes de déportés lors des commémorations. «J’aime comprendre comment les gens arrivaient à vivre, à se nourrir.»

« Hitler était méchant »

À 9 ans et demi, ce que préfère Chloé Raïneri, c’est «le temps des rois et le temps des guerres». Elle leur trouve d’ailleurs des points communs qu’elle résume avec ses mots d’enfant. «Ils veulent être les plus forts, mais souvent ça finit en sang alors qu’ils devraient se calmer un peu.»

 

L’écolière siège au conseil municipal des enfants d’Angoulême, avec lequel elle a visité le musée de la Résistance, et a même été élue maire des enfants! «Ce que j’ai appris, c’est que les Juifs n’y étaient pour rien. C’est juste la façon dont ils étaient qui ne plaisait pas aux Allemands. Hitler était méchant. Au début, je croyais que la guerre c’était comme quand on dit des gros mots. Je ne savais pas que c’était se battre comme ça et qu’il y avait eu autant de morts.» Des découvertes malheureuses qu’elle approfondit grâce aux livres que sa maman, prof de philo, lui a achetés.